FICTIONS (4)

Regardé hier Armaguedon. D’Alain Jessua, je n’avais vu jusque là (et encore pas jusqu’au bout) qu’un film intitulé La Vie à l’envers, portrait d’un cadre dépressif. Il reprend ce personnage un peu atone, sans qualités, dans le présent film (qui date, pour être précis, de 1977 ; je l’associe à une affiche qui me faisait alors grande impression, elle m’évoquait je ne sais quelle internationale du crime, avec ses silhouettes sombres se penchant vers le spectateur). C’est Jean Yanne, qui promène au long du récit un regard mort. Il déambule d’hôtels miteux en bars minables, cherchant qui dévorer. Le scénario est plein de temps vides, de flottements, le dialogue laisse voir ses poncifs comme des trous  dans la tapisserie. C’est le côté foireux du cinéma français des années soixante-dix, un cinéma qui ne se soucie plus de perfection et qui lorgne (pour le pire et pour le meilleur) du côté de la télévision.

A chaque visage reconnu, je dis un nom à voix haute, pour impressionner Charles. Voici Marie Déa, qui fut la jeune première des Visiteurs du soir. Voici Michel Creton, qui jouait dans maints téléfilms à l’époque. Je revis, devant une scène, un souvenir personnel. Cette jeune femme qui se fout à poil en menaçant de se jeter dans le vide, et en disant merde à la société, je l’ai vue presque identique, en haut d’un immeuble du Quartier latin. Cela se passait vers 1980, il y eut même un article dans France-Soir. A la fin, lorsque Yanne prend en otage le public d’une émission de variétés, les gens ont les gueules des spectateurs d’Au théâtre ce soir, rassis et confits. Il y a une certaine grandeur dans cette séquence, qui se souvient de Lola Montès dont Jessua fut l’assistant. Cette apocalypse à petit feu valait bien la nôtre. Elle savait du moins se mettre en scène.

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