FICTIONS (1)

J’ai envie d’évoquer, je ne sais pourquoi, une fin d’après-midi de février ou mars durant laquelle je me rendais chez ma psy, en traversant la Seine. J’ai déjà dû en parler dans mon journal, en son temps. Peut-être n’ai-je pas parlé de ce qui m’est passé par la tête, à ce moment. L’idée que tout était fini, l’Histoire, les histoires racontées par les hommes, les grands récits romanesques ou politiques. Qu’on ne pouvait plus croire à toute cette fiction tombée en fumée. Je marchais dans un désert, qui était aussi celui de ma propre histoire, abîmée par trop de conscience. Je distinguais l’écriture comme le seul moyen de jouer au milieu des ruines, d’être le dernier homme, ramassant des vestiges et les assemblant autrement.

Ecrivant cela, non sans difficulté à cause des scrupules qui me traversent, je suis interrompu par un livreur qui frappe à ma porte. Les clés sont restées à l’autre bout de l’appartement, côté jardin. Je reviens lui ouvrir. Il me tend, l’air blasé, un paquet que j’ai commandé. C’est une série que j’ai vue dans mon adolescence, et qui est sortie en DVD. Elle s’appelle, en français, Angoisse. C’est une quintessence du téléfilm britannique des années soixante-dix, avec décors en studio, vidéo qui bave, actrices à choucroute. C’est une quintessence de ce que j’aime dans la fiction, au sens le plus enfantin (ou vieillissant) de cet amour. Des femmes seules, dans des cottages isolés, cernés par des serial killers. Des fils téléphoniques qu’on a coupés, des ombres qui rôdent derrière une porte. La mise en scène est cheap, les intrigues prévisibles. On touche au degré zéro du suspense. Il y a là pourtant une étincelle, que j’ai envie de rallumer.

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